Photos © Association da Vinci A.s.b.l.
ART, ARCHITECTURE ET TECHNOLOGIE.
Bonsoir.
Merci d’ être venus nombreux ce soir dans la maison da Vinci, qui accueille l’ ordre des architectes, des ingénieurs, des scientifiques et des entrepreneurs. C’ est très légitime pour ces professions de se placer sous son parrainage, lui qui incarne l’ artiste complet, absolu, à la curiosité infinie, qui s’ est intéressé à la peinture, la sculpture, l’ architecture, l’anatomie, l’art de la guerre.
Moi-même en tant qu’ artiste, au XXIème siècle, je reconnais volontiers son influence dans ma peinture et il m’arrive régulièrement de faire des citations de son travail, comme ici dans le tableau les Cercles vicieux où je reprends sa célèbre figure qui définit les canons de la proportion parfaite. Mais je regarde aussi de très près ses dessins d’ animaux, notamment de chevaux et j’utilise ses croquis, avec toutes ses annotations, pour accompagner les miens, comme ici l’ Animal mécanique ou là, Cheval-Mouvement. Ses croquis faisaient probablement partie de ses recherches pour une sculpture équestre qui n’ a jamais été coulée et dont le plâtre a disparu.
J’ai réalisé un tableau qui pourrait parler de cette sculpture…et lui rendre hommage: Disappear here. Réalisé sur un tissu très fragile, le cheval et son squelette sont placés sur un socle dont les lignes fines résistent mal à la lumière. Comme son titre l’indique, elles risquent de s’effacer, mais une oeuvre doit-elle vivre éternellement ?
Mais revenons au sujet de ce soir qui est l’ interaction entre ma peinture, l’ architecture et la technique.
Dans un premier temps, je vais vous montrer comment l’ architecture s’est invitée dans mes tableaux, et dans un second temps, comment ma peinture s’inscrit dans l’ architecture.
Depuis toujours une des facettes de mon travail a été le paysage et très vite, celui des grandes villes comme Berlin ou New York où j’ ai habité dans les années 90.
D’ abord Berlin, où je m’ installe en 93 pour quelques mois et où je découvre une ville immense en pleine mutation, et où pour la première fois j’ ai vu la portée hautement symbolique de l’ architecture. En tombant, le Mur pousse l’ Allemagne dans une nouvelle époque, et laisse à Berlin de vastes terrains inoccupés, comme le no man’s land qui cerne le Reichstag et où je découvre un empilement de chars récupérés et détournés de leur fonction de guerre. Ils forment un arc de triomphe. C’est une oeuvre d’ art et aussi une architecture, qui parle d’une page d’ histoire qui se tourne. Quant au Tacheles, c’était un haut lieu de la contre culture berlinoise. Ancien bâtiment bombardé, en ruine, squattés par des artistes, j’ adorais le peindre car il représentait pour moi la revanche de l’ art sur l’histoire.
Puis je suis allé à New York. Au début, j’ étais fasciné par les buildings de Manhattan comme par exemple par cette 6ème avenue pleine de vie et de speed. Parfois tout en restant au coeur de la ville, je prenais de la hauteur en m’ installant sur les toits goudronnés que les New Yorkais appellent tar beach, plages de goudron. J’ essayais de comprendre en la peignant la complexité, la frénésie de la ville. Mais pour bien comprendre Manhattan, il ne suffisait pas de prendre de la hauteur, j’ ai pris aussi de la distance en sillonnant Brooklyn et finalement en m’installant dans le Queens. J’ ai découvert des facettes cachées de New York, les suburbs, les quartiers semi industriels. Manhattan avec ses gratte ciel élégants est devenu un skyline dans le lointain avec ses emblèmes bien reconnaissables comme l’ Empire et le Chrysler buildings et bien sûr les Twin towers. Mes premiers plans deviennent des watertowers, des gaz towers, un port en ruine sur les bords de l’East river. J’ ai réalisé que tout était en attente, que cette ville allait bouger, et la ville en mutation est devenue mon sujet.
Contre toute attente, ce que je vois sur les bords à l’abandon de l’ East river, et ce que je peins dans les suburbs, réactivent certains souvenirs de mon enfance, des images fortes liées au bassin minier et cela m’ encourage à retourner au Luxembourg, et à m’ intéresser au site de Belval où mon père comme la plupart des pères de mes copains a travaillé. C’était 98, l’ air du temps était en mode fin de cycle, fin de siècle, tout le monde se préparait au grand changement: nouveau millénaire, nouvelle monnaie, nouveaux enjeux.
Je peins d’ abord le site de loin, intact, ou presque. Le haut fourneau C vient d’ être démonté et vendu à la Chine. Puis on me donne l’ autorisation de travailler à l’ intérieur et je peux voir de près son ancien emplacement. Je nomme le tableau La place de l’absent. Commence pour moi un voyage en peinture de plusieurs années: laminoirs, haut fourneaux, chemin de fer, wagons Tornado, tout y est, même les vaches dans les prés. Mais c’ est la chronique d’ une mort annoncée.
Progressivement, tout est démonté et recyclé dans le haut fourneau électrique. Mon regard est d’ abord nostalgique et un peu sceptique. J’ ai du mal à suivre le rythme de la démolition qui progresse visiblement de jour en jour, et à peindre aussi vite que les bulls avancent. Avant même d’ être sèches, mes peintures deviennent des documents d’ archéologie industrielle.
Mes discussions avec des ingénieurs d’ Agora qui élaboraient des plans de réaménagement m’ ont fait réaliser que le site allait prendre un nouveau visage. Je peins All we need. C’ était le thème d’ une exposition dans le hall de la soufflerie sur les besoins de l’ homme moderne dans notre
société de consommation.
A force de peindre ce site en sursis, je me pose la question: que doit-on garder ? Juste des symboles comme les haut fourneaux ? Mais cette question, ce n’ était pas à moi d’ y répondre. J’ essayais de capter les derniers restes du patrimoine industriel et d’accompagner à travers de nouvelles peintures la mutation de ce lieu en un monumental chantier.
Je vois apparaitre de nouveaux bâtiments, banque, résidences, grands magasins, salle de concerts rock, une gare, de nouveaux réseaux routiers…
Et maintenant cet endroit est prêt à recevoir cet élément clé pour le développement de Belval, la cité des sciences et l’université. J’ ai suivi sa construction avec attention pour documenter sa naissance par un tableau. Il s’appelle Une route vers l’ avenir. On y voit sur la gauche les vestiges industriels et au centre, la tour de l’ université en construction. J’ étais très content de cette peinture, de cette lumière d’ hiver qui rend la neige aveuglante, et je l’ avais signé car je le croyais fini. Mais malgré tout, il dégageait une impression d’ inquiétude et de malaise. J’ ai mis du temps à comprendre que cela venait du fait que la route au premier plan tournait en rond, sans issue. Alors j’ ai modifié la composition et rajouté un tunnel qui permet à l’ oeil d’ entrer et de sortir du tableau. Voilà comment un détail peut tout changer, c’ est troublant mais la peinture n’ est pas une science exacte.
En tous cas, ce tableau signe la fin d’ une série.
Après toutes ces années à peindre ces architectures complexes et raffinées, j’ avais besoin de me laver les yeux et de revenir à une approche plus instinctive, plus minimale aussi. Revenir à une figuration réduite à l’essentiel, juste une ligne d’horizon. J’ ai sillonné toute la cote atlantique avec ses plages hors saison, et finalement aux abords de la Rochelle, je trouve des cabanes de pêcheurs de moules et je suis de nouveau face à des constructions raffinées, fragiles et délicates. Il n’ y avait qu’ un pas jusqu’ à St Nazaire, célèbre pour ses chantiers navals et me revoilà dans l’ industriel et la boucle est bouclée !
Jusqu’ à présent, je vous ai montré comment l’ architecture s’ installait dans ma peinture, on est maintenant arrivé au moment où je vais vous expliquer comment ma peinture s’installe dans l’ architecture.
Peindre c’ est une chose, trouver le bon mur, c’ en est une autre.Quand je choisis un format de 3 m de long, c’ est peut-être que le sujet est énorme, qu’il fait 300 m de long, comme le Turbine hall de la SEO. Commandé par la société d’ électricité et exposé au château de Vianden, mon tableau de 3 m avait l’air d’ un timbre poste. Mais arrivé dans son endroit de destination il a fallu faire appel à une grue pour l’ emmener au dernier étage, car il ne passait pas dans l’ escalier !
Autre exemple, un autre tableau de 3m, de haut cette fois ci. A la livraison, on voit que le mur n’ est pas assez haut, il manque 30 cm… Le technicien dit: pas de problème, il y a 2 solutions. Soit on coupe le haut du tableau, soit on appelle l’architecte et on remonte le plafond. Je vous laisse deviner la solution que je choisis.
Bien sûr, le mieux, c’ est le sur mesure. Et le sur mesure, inévitablement, c’ est lié à une commande. Et une commande, c’est souvent des collaborations enrichissantes, avec le commanditaire ou l’ architecte.
Un tableau, n’ est pas juste un élément de décoration, il peut être emblématique et aller dans le sens propre et figuré du bâtiment. C’ est à dire dans le sens des murs, de la FORME, ou dans le sens de l’ idée, du FOND. Il doit répondre à cette question: cet endroit, quelle est sa vocation? quelle est sa fonction ?
Ici, permettez- moi de vous parler de ma 1ère grande commande pour un bâtiment public, le Centre de Recherches Henri Tudor.
Avant le 1er coup de pioche, il y a eu des réunions de travail avec le directeur et son équipe de chercheurs, et avec les architectes pour discuter des envies et des besoins de chacun et développer un concept où chacun pouvait se reconnaitre.
On me donna le choix des murs, et je les ai tous pris !
Vous venez de revoir les Cercles vicieux, avec l’ homme de Léonard. Ce tableau, haut de 7 m peut être vu de 3 niveaux .
Maintenant, voici le hall d’ entrée, avec une peinture où le thème de l’ arche de Noé, fusionne avec une multitude d’ objets de recherche, de calcul, liés à l’ époque de Tudor et à la nôtre. Son titre, Alles was nicht ist, ist moeglich ( Tout ce qui n’ est pas est possible ). C’ est aussi bien un leitmotiv pour des chercheurs, des industriels, des architectes, que pour moi, en tant qu’ artiste.
Après ces 2 grands murs, j’ ai investi tout l’ escalier, 5 étages, on parle ici de 200 m2 de peinture. Je m’ impose une démarche rigoureuse: à chaque étage, je choisis un élément technique ou scientifique et je l’ associe à un type d’ animal et à un code couleur.
Je commence avec les ânes, que j’associe à la chronophotographie.
Je continue avec la presse d’ imprimerie que j’ associe à des rongeurs et à des souris de laboratoire. Puis un élément de mécanique basique, comme le palan, ou la poulie que j’ associe avec des singes. Ils ont l’ air détendus, et nous rappellent que le travail n’ est pas nécessairement le contraire du plaisir. Le directeur avait demandé aux architectes de créer un lieu convivial qui favorise la réflection, la création et dans ce cas la productivité intellectuelle.
Une partie des peintures destinées à l’ escalier avaient été réalisées à l’ atelier, sur du bois cintrable, le reste a été peint directement sur les murs et j’ ai travaillé jours et nuits pour finir avant l’ inauguration. On me pose souvent la question: combien d’heures on peut être créatif dans une seule journée ? ça dépend.
Mais revenons à l’ escalier. A l’ étage suivant, Je choisis le microscope comme moyen d’ agrandir le minuscule pour le rendre visible. Je l’ associe avec les insectes, ils deviennent surdimensionnés, je crois que vous avez compris le principe.
Moi aussi d’ ailleurs, et je l’ ai réutilisé dans un autre contexte.
L’ idée du changement d’ échelle m’ intéresse. Je l’ ai utilisée ici, sous la forme d’une accumulation de tout petits animaux représentés très grands sur de nombreux panneaux. Composée comme un rythme de couleurs, un étrange rapport de force entre animaux, ces panneaux sont ensuite montés
comme un immense puzzle adaptable en sur mesure comme dans cette cage d’ escalier.
Ce qui m’ intéresse ici, c’ est le fait que ce tableau peut être vu en montant, en descendant, d’ en haut, d’ en bas.
Dans l’accrochage, ou dans une exposition, j’aime bien être dominé par la peinture, me sentir tout petit. Vu la taille des tableaux, c’est normal que j’aime les grands espaces. Je vous montre une image dans un cadre un peu intime, on est à l’Ambassade du Luxembourg à Londres. Imaginez-vous à la table de conférence, entouré par une armée de femmes, peintes grandeur nature. J’ ai choisi le même type de format pour occuper toute le pièce, en rythme continu, comme un all-over.
Un autre tableau in situ, lui aussi dans un cadre privé: un mur de plus de 6 mètres de haut, dans un hall d’entrée d’une maison contemporaine. La fille marche sur des fils électriques, en hauteur, j’ai conçu le tableau sur mesure pour ce lieu, pour être vu d’en bas, en contre plongée.
C’ est le même cas de figure ici, mais dans le cadre d’ une exposition pour trouver le meilleur rapport toiles-mur-accrochage.
Je me sens de nouveau un peu petit ici, mais je montre la photo surtout pour avoir une échelle humaine dans ce grand espace d’exposition de la BIL que vous avez certainement reconnu.
Je vais m’attarder un peu plus sur cette série, qui par son sujet, les cartes du ciel, parle un peu de mon rapport aux images scientifiques. Souvent, je puise dans de vieilles encyclopédies, comme cette image de la Nasa des années 50 qui sert de fond dans la peinture Tombés du ciel. Ici, mes figures se retrouvent dans un monde qui se révèle un peu flottant, incertain, indéterminé. Comme le spectateur, elles doivent redéfinir leur centre de gravité dans ce monde de chiffres. Moi-même, je ne comprends pas toujours tout, dans ce langage de scientifique et je me sens un peu perdu, comme dans cette grande nébuleuse.
Et je pense: Est-ce que l’on peut aimer la science sans être scientifique?
Ce qui me fascine chez vous, les scientifiques, c’est votre obstination de chercher et de prouver une hypothèse, un théorème, votre recherche qui peut s’étendre sur des dizaines d’années, une vie entière, cette volonté d’y croire et de continuer, encore et encore !
Dans un autre travail, je me suis appuyé sur les cartes du ciel de Bayer, un astrologue du 17ème siècle, en m’ inspirant de son bestiaire, et en ajoutant, des personnages contemporains. Je m’éloigne beaucoup des cartes d’origine, ce n’est qu’un prétexte pour réfléchir comment l’animal a été vu et interprété à travers les siècles. Ce soir, je vous montre ce tableau pour
parler d’un accrochage dont j’avais rêvé: un face à face de l’hémisphère nord et sud, avec beaucoup de recul, dans un espace ou les couleurs et les lignes du tableau peuvent se mélanger avec celles du bâtiment.
Autre exemple, autre espace, autre commande. On m’ avait proposé ce mur, dans le hall d’une grande étude.
Ce qui me paraissait visuellement important, c’ était le mur rouge, le desk en bois et métal à motif linéaire et ces impressionnants luminaires chromés suspendus très haut. On m’ avait laissé carte blanche. J’ ai décidé de faire 2
propositions, pour laisser à mon commanditaire le choix. J’ ai fait une proposition horizontale, et une verticale. Les 2 parlent de l’équilibre.
1re proposition. Dans la version horizontale, il s’ agit de 2 panthères qui marchent sur un fil.
Je vais vous amener à l’ atelier pour vous expliquer ma méthode de travail. Au départ, il n’ y a pas de petite maquette qui sera agrandie. La maquette est à l’ échelle 1, c’est à dire ici, 6 mètres de long.
J’ ai dessiné les 2 panthères sur papier Kraft, elles tiennent avec du scotch, je peux les déplacer dans la composition comme je veux. Je découpe des ronds, j’ en fais des cibles et des engrenages, et je compose en réalisant un grand collage. Et à un certain moment, la peinture a l’air de marcher, la photo du dernier état devient maquette et je note tout, reproduit, réarrange et affine.
Les cibles peuvent représenter les multiples enjeux et objectifs d’une entreprise, des missions, et le risque !
Mais dans le tableau, je cherchais surtout une vision claire pour marcher et travailler ensemble, pour gagner et maîtriser l’ensemble!
2ème proposition, on se trouve dans le même hall. Cette fois-ci, la version verticale, avec une femme qui marche en équilibre en tenant des ballons. J’ avais l’ envie de faire rentrer le luminaire carrément dans ma peinture. Le tableau aurait dû être accroché un peu plus haut en définitif, mais finalement, les clients ont choisi les panthères.
De retour à l’atelier avec cette peinture, je réalise que sans les luminaires je n’aurais jamais fini le tableau ainsi en coupant les ballons, et je rajoute un panneau, avec des dizaines d’oiseaux en plus.
Je vous le montre dans 2 nouvelles situations, une fois en privé, on peut le voir de 2 niveaux, soit d’ en bas, soit d’une mezzanine, et une fois en exposition, ici une photo du vernissage pour vous donner un rapport de taille humaine, et une photo neutre juste dans l’espace, et avec 5 mètres de haut, ce n’est pas trop grand !
et une, ou mon petit côté narcissique m’échappe, et je me sens tout petit !
Pour le travail exposé ce soir, j’avais rassemblé des centaines de documents de recherche traitant de physique et de technique, tous potentiellement intéressants pour mapeinture. Je me suis trouvé face à l’ infini des possibles. Pour m’aider à réfléchir, j’ ai sorti le tableau La fille d’Icare que vousvoyez au fond. Dans ce travail, j’avais intégré des schémas,
comme l’avion chauve-souris d’Ader, qui sert de base à la femme. Vous reconnaissez ma méthode de travail que je viens de vous expliquer: je dessine d’abord les éléments forts, l’avion, la fille, un schéma illustrant la position du soleil et de la lune, sur papier Kraft, à l’échelle un.
Le tableau va se monter, et je tourne autour de l’idée d’Icare qui va voler toujours plus haut, bientôt je rajouterai des ombres, noires, des silhouettes d’oiseaux. Et je garde cette idée de jongler avec le feu du soleil, et l’énergie. D’abord, j’essaie sur des bouts de papier, le mouvement me convient. Voici le tableau fini.
Pour m’ aider je sors un autre tableau. Il s’ appelle Un moment de flottement, la forme au milieu qui ressemble à une cible est un des Schéma du Cern. J’ ai utilisé une image similaire dans le tableau de ce soir.
Mon client travaille beaucoup pour le nucléaire, il conçoit et fabrique surtout des robots pour nettoyer les piscines de refroidissement de leurs déchets radioactifs. Ces particules élémentaires, issues de la collision d’atomes et photographiés par l’équipe de Cern me semblent un bon point de départ. J’utilise également des schémas de ses ingénieurs, je dois recalculer les proportions pour mon tableau. Pour évoquer le retour à une eau propre et saine je choisis la loutre. Quand je les peins je me lâche, mais pour les lignes, je dois rester extrêmement rigoureux et adapter mes techniques, la règle et le niveau s’ imposent.
Je m’ attaque au 2ème panneau. L’entreprise, je la conçois comme un grand ensemble qui tourne dans le bon sens. Je tombe sur un plan d’ingénieur qui représente une machine de fête foraine. Cela me fait un déclic pour concevoir une machine à moi, nourrie de formules ou de plans utilisés mécanique. Dans ce tableau, je veux introduire ce projet de concevoir une idée et de la réaliser par un travail adroit et organisé comme
chez les fourmis, seul ou en équipe. De passer du travail des neurones à celui de la main.
Pour le fond du tableau, j’ ai trouvé la solution chez Ulam, un mathématicien norvégien. J’ai lu que Ulam s’ennuyait lors d’une conférence et gribouillait une spirale de nombres naturels, en continu, en commençant par le 1 au centre de la spirale et en poursuivant dans le sens des aiguilles d’une montre. En entourant les nombres premiers d’un cercle il a constaté des modèles sous forme de diagonales.
Il y a du fantastique dans ces spéculations sur l’ordre et le hasard dans l’organisation de nombres premiers, il y a du génie, la vie a ses hasards, mais le hasard ne frappe que les esprits éclairés.
Les multiples recherches d’Ulam ont été utilisées aussi dans la propulsion de vaisseaux spatiaux. Place au 3ème panneau. Je retourne dans l’usine. Je découvre des machines capables de transporter des satellites, et ramène les plans d’ingénieur dans mon atelier.
J’essaie de raccrocher le dernier cri du high-tech à mon imaginaire de peintre, et à l’histoire de la science, comme dans cette gravure victorienne.
En tant que peintre, je rebondis sur les formes, densifie des lignes, noircis les douilles d’ampoules pour les faire ressembler aux planètes, mais ce que je veux vous dire est:
Si tout devient ellipses, cercles, lignes et points, c’est juste mon langage de peintre, un rythme, une partition, comme vos schémas, vos plans, c’est un peu spécial, c’est pour cela, ce soir, je reste avec vous, entre science et fiction!
Merci à tous !