Alors qu’on célèbre le 8 mars la Journée internationale des droits de la femme, le 11 février était consacré à une “Journée internationale des femmes et des filles de science”. Son but est de promouvoir l’accès et la participation des femmes et des filles à la science. Cette journée permet de rappeler que les femmes et les filles jouent un rôle essentiel dans la communauté scientifique et technologique et que leur participation doit être renforcée.
Encourager les femmes à embrasser des carrières d’ingénieures ou de scientifiques, c’est une nécessité quasi universelle, dont l’association des Ingénieur(e)s et Scientifiques du Luxembourg s’est emparée, dans un pays où ces professions tendent à rester en pénurie.
Une grande cause mondiale
La démarche dépasse largement le cadre national, puisque les Nations Unies sont particulièrement sensibles à ce sujet. Elles l’illustrent par quelques faits et statistiques:
- Les bourses de recherche allouées aux femmes sont moins importantes que celles allouées à leurs collègues masculins et, bien qu’elles représentent 33,3% de la population de chercheurs, les femmes n’occupent que 12% des sièges dans les académies nationales des sciences.
- Dans les secteurs de pointe tels que l’intelligence artificielle, les chercheuses ne représentent que 22% des professionnels.
- Malgré une pénurie de compétences dans la plupart des domaines technologiques moteurs de la 4e révolution industrielle, les femmes ne représentent que 28% des diplômés en ingénierie et 40% des diplômés en informatique.
- Les carrières des chercheuses ont tendance à être plus courtes et moins rémunérées. Leurs travaux sont sous-représentés dans les revues de haut niveau et elles sont souvent ignorées pour des promotions.
“Cela reste un problème sociétal et multi-générationnel”, analyse Valérie Clément, responsable de programmes à l’association Jonk Entrepreneuren Luxembourg. Le malaise a des racines profondes, comme l’illustre par exemple, en France voisine, le récent rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE). Dans ce sixième état des lieux annuel sur le sexisme en France, on comprend que les stéréotypes continuent de s’installer dès la plus jeune âge.
Selon le HCE, les stéréotypes sexistes se transmettent d’abord dans la sphère familiale. Seulement 21% des personnes interrogées, qui ont grandi avec un frère ou une sœur de sexe opposé, affirment avoir été éduquées de la même manière. Le choix différent des jouets pour les enfants constitue un symbole fort de cet état des lieux. Ces différences d’éducation dès le plus jeune âge se retrouvent ensuite dans le choix de carrière, relève le journal La Croix. Trois quarts des femmes (74 %) affirment ainsi ne jamais avoir envisagé de faire une carrière dans les domaines scientifiques ou techniques. Elles sont également plus de deux sur trois (69 %) à ne pas envisager de travailler dans le domaine de la protection et de la sécurité.”
S’attaquer aux racines dès la petite enfance
Pour le HCE, s’attaquer aux racines du sexisme implique d’agir de la petite enfance jusqu’à l’âge adulte, dans tous les aspects de la vie privée comme publique. Surtout, cela nécessite une prise de conscience collective de la part de celles et ceux qui, dans la société, diffusent parfois contre leur gré les stéréotypes de genre et participent activement à la construction sociale du sexisme. Cela concerne particulièrement les parents, ainsi que le système scolaire et les plateformes numériques.
Les femmes qui ont embrassé des professions jadis considérées comme “masculines” font rarement état de freins à leur progression scolaire puis professionnelle. Simplement, elles ont opté pour des filières auxquelles la gent féminine semblait moins destinée. La représentation féminine s’est équilibrée dans les filières scientifiques, et le différentiel s’atténue fortement dans les études d’ingénieurs.
Développement durable et féminisation
Martine Schummer, qui vient d’accéder récemment au comité de direction de Schrœder & Associés, où siègent deux femmes, confirmait récemment ce sentiment dans une interview à InfoGreen. “En fait, je n’ai jamais ressenti un problème dans le fait d’évoluer avec des hommes… ou d’être en concurrence avec eux. Je trouve que la féminisation de la profession est bien engagée depuis des années et qu’elle représente une plus-value pour le secteur. Et j’ai l’impression que l’orientation vers le développement durable va encore l’amplifier. En tout cas, moi, mère de famille et ingénieure, je m’engage vraiment pour l’avenir de nos enfants, qui se bâtit tous les jours.”
“Je ne suis pas fan des quotas. Mais je crois dans les compétences, le travail en commun, la diversité des approches et l’engagement. Les spécialités réputées plus techniques ont certes mis plus de temps à attirer les candidates, notamment dans le secteur de la construction. Mais il y a de plus en plus de femmes en génie civil et, chez les architectes, les femmes sont déjà majoritaires.”
“Il faut encourager les futures ingénieures potentielles, leur montrer ce qui existe, la variété des disciplines et des besoins. C’est un métier technique, intellectuel et très social. Il faut pouvoir discuter avec les clients, les architectes, les entrepreneurs… aller sur le terrain et convaincre, être capable de s’imposer dans ce qui est également très valorisant sur un plan sociétal : nous participons à des projets d’envergure qui changent le quotidien de milliers de gens, et on peut toucher du doigt ces réalisations.”
L’important rôle des modèles
De tous temps, de grandes femmes scientifiques ont dû affronter et dépasser de nombreux préjugés pour pouvoir être reconnues par la société. Qu’on pense seulement à Marie Curie, loin de se contenter de l’ombre de son mari… La double prix Nobel constitue un exemple universel. On peut citer aussi Rachel Carson, biologiste marine et militante écologiste américaine, Rosalind Franklin, physico-chimiste britannique, sa compatriote Ada Lovelace, véritable pionnière de la science informatique, Émilie du Châtelet, mathématicienne et physicienne…
L’UNESCO est très sensible à l’accompagnement des jeunes filles, leur formation et leur pleine aptitude à faire entendre leurs idées, ce qui est considéré comme un levier de développement et de paix. L’organisation internationale estime que “les grands défis du développement durable nous imposent de former un maximum de talents parmi les nouvelles générations. C’est pourquoi il est impératif d’augmenter le nombre de femmes actives dans les domaines scientifiques. La diversité dans la recherche élargit le bassin de chercheurs talentueux, apportant ainsi de nouvelles perspectives, du talent et de la créativité.”
Au Luxembourg, l’asbl Jonk Entrepreneuren endosse le projet “Girls Go Circular“, qui a pour objectif d’apporter à 40 000 élèves âgées de 14 à 19 ans, dans toute l’Europe, des compétences numériques et entrepreneuriales d’ici 2027 grâce à un programme d’apprentissage en ligne sur l’économie circulaire. L’association Girls in Tech, émanation locale d’une organisation internationale, constitue aussi un cercle de réflexion vers la promotion des femmes dans la Tech, avec une fenêtre grande ouverte sur le monde.
A son échelle, notre Wëssens-Atelier, qui développe de plus en plus ses activités en 2024, constitue une des portes d’entrée mixtes à l’école vers le monde des techniques et des sciences. Aussi habiles que les garçons avec leur fer à souder, les filles surmontent très naturellement les éventuelles barrières qui pourraient les détourner des sciences “dures”… où elles excellent.
Les sciences et la recherche n’ont pas de genre
L’Université du Luxembourg œuvre, elle aussi, pour un monde scientifique plus inclusif et diversifié, en collaboration avec les institutions de “Research Luxembourg”. Avec le support du ministère de l’Egalité des genres et de la Diversité, elles publient une nouvelle saison de la série vidéo « Women & Girls in Science », histoire d’assurer une démonstration par l’exemple.
Yuriko Backes, ministre de l’Égalité des genres et de la Diversité et Prof. Jens Kreisel, recteur de l’Université du Luxembourg, ont signé une convention pour lancer cette troisième campagne “Women and Girls in Science 2024”.
La ministre a souligné que les sciences et la recherche n’ont pas de genre et sont ouvertes à toutes et tous. “La place des femmes est dans la recherche, dans la science, dans les STEM – partout”, insiste Yuriko Backes. Les vidéos visent à encourager particulièrement les jeunes femmes à ne pas s’abstenir d’opter pour une carrière scientifique et incitent le grand public “à s’opposer activement aux stéréotypes nuisibles et aux normes de genre dépassées”.