Marc Solvi a accordé une interview au « Luxemburger Wort ». Elle est parue dans le journal du 20 novembre 2020 et sur le site wort.lu/fr. A découvrir ici en version allemande (pdf à télécharger) et française.
Pour le président de l’association des ingénieurs, architectes, scientifiques et industriels «Da Vinci», Marc Solvi, le secteur apparaît comme indispensable en temps de crise. Mais se trouve confronté à un manque flagrant de main-d’oeuvre.
(ASdN avec Marlene Brey) – Chaque crise exige des travailleurs qualifiés pour la combattre. Une réflexion qui s’applique aussi bien à une pandémie sanitaire qu’au changement climatique. Et raison pour laquelle l’association des ingénieurs, architectes, scientifiques et industriels «Da Vinci» s’inquiète du manque de travailleurs qualifiés. Explications avec Marc Solvi, interrogé par nos confrères du Luxemburger Wort.
En quoi consiste le métier d’ingénieur aujourd’hui ?
Marc Solvi – «Les ingénieurs sont impliqués dans de nombreux domaines, tels que les questions énergétiques, la mobilité, la logistique, la robotique industrielle, l’intelligence artificielle ou encore la sécurité des données. Après tout, l’ingénierie est la traduction des connaissances scientifiques en pratique. C’est pourquoi les ingénieurs ont toujours été impliqués dans la restructuration de la société.
“L’ingénieur a un rôle important à jouer dans le développement durable.” Marc Solvi
À l’heure actuelle, la société doit faire face à un défi de taille, à savoir la lutte contre le covid-19. Quelle peut être la tâche des ingénieurs ici ?
Marc Solvi – «Le vaccin en est un exemple. S’il a été développé par des scientifiques qui l’ont développé, l’ingénieur doit lui s’occuper des usines qui seront capables de le produire. C’est-à-dire, de 100 doses à un milliard – c’est un énorme défi technique. La question est aussi de savoir si c’est justifiable sur le plan économique. Il s’agit alors de questions d’ingénierie mécanique et de sécurité – et en fin de compte toujours de questions éthiques.
Pourquoi des questions éthiques ?
Marc Solvi – «L’ingénieur d’aujourd’hui doit non seulement mettre en œuvre la science, mais aussi peser ce que la société veut. Par exemple, les usines peuvent engendrer du bruit et de la pollution. L’ingénieur doit alors peser le pour et le contre. Je crois que l’ingénieur a un rôle important à jouer dans le développement durable.
Comment les ingénieurs peuvent-ils influencer les projets ? Par exemple, la yaourterie Fage ou le centre de données Google.
Marc Solvi – «La profession va bien au-delà de la simple expertise technique. Si vous n’incluez pas dans vos considérations que ce qui est construit doit être respectueux de l’environnement, alors je pense que vous n’êtes pas à votre place en tant qu’ingénieur. Cela donne un certain poids à la profession.
Pensez-vous que la profession a un problème d’image ?
Marc Solvi – «Les effets positifs du progrès technologique sont considérés comme allant de soi, mais il y a une méfiance à l’égard de la technologie qui se cache derrière. Les ingénieurs sont associés au bruit et à la pollution. Je pense que c’est aussi une des raisons pour lesquelles il y a de moins en moins de jeunes qui étudient l’ingénierie que l’économie au Luxembourg. Mais ce sont aussi les ingénieurs qui ont trouvé des solutions et ont fait en sorte que les usines d’aujourd’hui deviennent plus propres et plus silencieuses.
Vous évoquez le manque de travailleurs qualifiés. Selon vous, quelles en sont les raisons ?
Marc Solvi – «Peut-être que la profession est mal comprise. Il y a aussi beaucoup de mathématiques, et cela peut faire peur. Il y a aussi une question d’intérêt, de motivation. L’école a également son rôle à jouer dans ce domaine : la technologie doit faire partie des connaissances générales des élèves. Cela commence par des questions simples. Par exemple, comment fonctionne un téléphone portable, une centrale électrique. On peut l’expliquer avec des mots simples – et surtout, on peut le montrer. Dans le «Wëssensatelier» de notre association, nous construisons de petits moulins à vent avec les enfants. Lorsqu’ils tournent, ils produisent de la lumière. C’est toujours une réussite pour les enfants.
L’État reste néanmoins un concurrent de taille en ce qui concerne les salaires. Est-ce finalement ça le problème ?
Marc Solvi – «C’est évidemment une question sensible. Les salaires du gouvernement sont élevés par rapport à ceux du secteur privé. C’est un problème que l’État doit résoudre, autrement, les entreprises finiront par déménager. Mais cette discussion ne doit pas se réduire aux salaires. Une profession est une grande partie de la vie, les gens doivent s’y épanouir. Faites ce qui vous intéresse !»
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