Le panneau Solarcells: plus local, plus durable

La lutte contre le réchauffement climatique est l’un des enjeux majeurs de ce XXIe siècle. Pour y faire face, l’utilisation d’énergie décarbonée autant que possible constitue un corollaire indispensable. Avec ses avantages et ses inconvénients, le solaire constitue un des pans du nouveau mix énergétique plus vertueux. Mais qu’y a-t-il de vertueux à faire parcourir la moitié du globe à de panneaux dont le verre constitue environ 80% du poids? Pourtant, la Chine s’est imposée comme le principal producteur mondial, et le reste de la planète achète un produit réalisé grâce à un modèle énergétique et social assez loin des standards européens.

Michel Thein, directeur de Solarcells

Le circuit court, même pour les panneaux solaires, c’est le pari de Solarcells, qui a lancé une production au cœur de Luxembourg, dans les anciens bâtiments du cigarettier Heintz van Landewyck. L’entreprise a été fondée en 2023 par le groupe luxembourgeois Socom et le fabricant belge de panneaux solaires Evocells, qui produit déjà plus de 30.000 modules photovoltaïques par an. L’objectif pour Luxembourg est d’arriver à terme à 200.000 unités. Le marché national est la principale cible, via des distributeurs et installateurs agréés déjà actifs.

Sortir de la boucle asiatique

« Nous produisons deux sortes de panneaux, de 1736 mm x 1146 mm, le « Full Black » de 410 Watts-crête et le « Performance » de 420 Wc, adaptés aux besoins des particuliers et des entreprises », indique le directeur du site de Hollerich, Michel Thein. « L’idée, c’est vraiment de faire appel uniquement à des fournisseurs européens. Actuellement, le verre vient du Vietnam, mais nous sommes en discussion avec un fabricant allemand compétitif qui devrait nous le fournir. Beaucoup des autres composants viennent déjà d’Europe. » Il n’y a pas vraiment de taille « standard ». Pour le résidentiel, les panneaux font en général moins de deux mètres carrés.

Le site de production est installé dans l’ancienne usine de cigarettes… en attendant qu’un projet immobilier se développe sur le site. Bien agencés, les espaces de production et de stockage tout neufs donnent une idée de la capacité de Solarcells, qui a investi là 5 millions d’euros. Les machines sont… chinoises, signe de la mainmise de l’Empire du Milieu sur le secteur photovoltaïque, et de la hauteur du défi constituant à sortir de son emprise. « Il y a des producteurs de machines en Europe, mais ils sont un peu dépassés, explique Michel Thein, qui a habité en Chine et en parle la langue. Les Chinois pratiquent clairement le dumping pour s’octroyer tout le marché et casser notre industrie. Mais les Européens résistent: il y a des fabricants de panneaux dans de nombreux pays proches. Les Chinois cassent leur marché et nous envoient des produits qui ne sont pas nécessairement fiables. Oui, vous avez une garantie de 25 ans sur un panneau. Mais dans 25 ans, la société sera-t-elle encore là? »

Des contrôles à foison

En début de chaîne, les cellules photovoltaïques sont coupées en deux puis ressoudées. C’est un procédé qui permet de réduire une certaine perte de puissance due à l’échauffement, et de gagner quelques Watts-crête, ce qui n’est pas anodin dans une industrie où la course à l’efficacité des panneaux est déterminante. La plupart des acteurs sur le marché recourent aujourd’hui à ce procédé.

A ce stade, un opérateur vérifie déjà soigneusement qu’il n’y a pas de casse, que les cellules sont bien soudées et qu’il n’y a pas de court-circuit. Disposées sur une membrane en Tedlar®, ces cellules, cœur du dispositif, sont assemblées, connectées et fixées, et enrobées de deux couches de protection EVA (Éthylène-acétate de vinyle), qui confèrent isolation et étanchéité au dispositif. Une résine spéciale enveloppe l’ensemble, garantissant une durée de vie supérieure à 30 ans. Un passage au four assure la cohérence et la solidité de l’ensemble par lamination.

La production d’un panneau photovoltaïque n’est pas l’opération industrielle la plus compliquée qui soit: six couches, dont une plaque de verre trempé anti-reflets, logées dans un cadre en aluminium, et le tour est joué. La valeur ajoutée de Solarcells et d’avoir prévu pas moins de cinq contrôles de qualité au fil du processus. La probabilité d’avoir une pièce défaillante à la sortie de la chaîne est infime.

Détails de taille

« Ce qui nous différencie de la concurrence asiatique, ce n’est pas qu’elle ne fait pas tous ces contrôles, mais qu’elle a une autre idée de ce qu’est un panneau vendable », affirme Michel Thein. « Malgré une cellule complètement cassée, un panneau va passer avec succès le test des 420 Watts; sur un toit il produira pendant cinq ans, dix ans, ou quinze ans, mais un court-circuit finira par se produire, et le panneau sera hors d’usage. Autre détail: nous utilisons des cadres en aluminium de 35 mm, là où d’autres se contentent de 10 ou 20 mm. Des collègues à nous ont testé des panneaux chinois à l’apparence tout à fait convenable qui présentent en fait des cellules cassées ou des fils rompus. Impossible à déceler à l’œil nu. »

A noter chez Solarcells que les éléments rejetés qui sont réparables sortent de la chaîne commerciale classique et sont destinés à un circuit parallèle. Un panneau photovoltaïque mis sur le marché, dont tous les éléments sont agglomérés, n’est pas réparable. Il est donc particulièrement important de ne laisser sortir de production qu’un produit parfait. La garantie de 25 ans implique clairement un remplacement pur et simple du panneau défectueux.

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Objectif rentabilité

« Nous n’avons touché aucune subvention, insiste Michel Thein. Notre business model s’appuie sur une collaboration avec des distributeurs et des installateurs agréés. Il faut se méfier de ceux qui font du porte- à-porte pour vendre des solutions alléchantes, grâce aux subsides, mais qu’on ne retrouvera plus en cas de problème. Sans compter que la subvention ne sera pas due si le travail n’est pas fait dans les règles. Les panneaux chinois sont de plus en plus abordables, surtout depuis que les USA leur ferment leurs portes. Ils vont vendre à 80 quand nous produisons à 200. C’est du dumping. Il faut pourtant devenir moins dépendants, et nous pensons qu’on peut le faire grâce à la qualité. L’Europe doit prendre son indépendance dans cette production, et on doit faire revivre l’industrie au Luxembourg. « 

Solarcells emploie actuellement huit personnes à Hollerich: cinq opérateurs, un chef d’équipe, un responsable maintenance et un directeur.

La société espère atteindre la rentabilité assez rapidement, dans les cinq à six ans, avant de devoir régler son futur déménagement d’un site dont les transformations ont commencé. Une réflexion sur ce point est en cours avec le ministère de l’Economie.

« Ici, on n’a rien à cacher, répète volontiers Michel Thein. On n’importe pas des panneaux sur lesquels on met une étiquette. Il y a du savoir-faire, et une vraie philosophie de la qualité. Chaque jour, nous améliorons un peu plus la production. »

La production: