La mise en peinture des avions : tout un art, très prometteur, pour CTI

CTI Systems vient de réussir un joli coup : décrocher un contrat pour fournir deux sets complets d’équipements de mise en peinture d’avions gros porteurs à un grand fabricant. Pour cette société d’ingénierie, filiale de Paul Wurth, établie à Lentzweiler, sur les hauteurs de Clervaux, cette percée constitue un pas important vers la diffusion d’une technologie unique. Si le marché est réceptif, les perspectives sont énormes pour la firme, qui a fait de la manipulation des grosses charges sensibles son fonds de commerce. Une histoire d’ingénieurs qui s’est développée depuis bientôt 60 ans autour de la fameuse poutre « TARCA », atout précieux pour la suspension et manutention de charges lourdes… dont la compagnie s’est émancipée au fil des dernières décennies.

(AJP – Aerial Jib Platforms – Aviation equipment – CTI Systems)

Avant de lire ces lignes, il vaut mieux voir les plateformes à l’œuvre en vidéo. Fluide comme du Disney, symétrique comme une chorégraphie bien réglée. Quatre nacelles entourent un avion, le scannent d’abord dans son entièreté, le mettent en peinture par des mouvements précis, bien réglés, rapides et efficaces.

CTI franchit une étape importante en installant chez un client deux systèmes complets pour des gros appareils, nécessitant chacun 8 nacelles mobiles, les fameuses « AJP » (pour Aerial Jib Platforms). Bob Greiveldinger, CEO de CTI, se montre particulièrement fier de ce nouveau produit, dans lequel sa société a glissé un maximum de technologie, et qu’elle a développé grâce à sa connaissance approfondie du monde de l’aviation et de ses besoins spécifiques.

« Pour l’inspection et la mise en peinture, les avionneurs et les compagnies aériennes disposent généralement ou bien d’un système de téléplateformes suspendues au toit du hangar, ou bien de simples plateformes posées au sol : des petits ponts élévateurs avec nacelle, genre « Manitou », explique Bob Greiveldinger. Cette dernière variante offre des capacités limitées. Or, les avions sont grands. Il faut travailler vite (surtout en application peinture !) et assez haut, avec précision, pour éviter toute collision avec l’avion. La mobilité autour de lui constitue aussi un point crucial. Notre système rassemble, selon la taille des avions, de 4 à 8 grues à flèche avec nacelle, et ressemble un peu à ce qui se faisait… mais avec un paquet d’intelligence en plus.

Bob Greiveldinger, CEO de CTI Systems

Cette intelligence se porte principalement sur deux axes.

« D’abord, le contrôle vectoriel des déplacements de l’appareil : peu importe comment vous êtes positionné, les réponses du joystick devant vous correspondent parfaitement à votre propre axe de mouvement. Votre droite est la vraie droite et votre gauche est la vraie gauche: il ne faut pas réfléchir en trois dimensions pour diriger l’engin. C’est une conduite que nous avions intégrée depuis longtemps dans les téléplateformes que nous produisons, et que nous installons notamment déjà chez les fabricants d’avions. L’opérateur ne doit pas se préoccuper du mouvement de chaque élément assurant la mobilité : il donne l’ordre d’aller dans un axe précis, et l’appareil suit la commande. »

Peinture d’avion par nacelle télescopique

« Pour une téléplateforme, qui est suspendue à un système de ponts qui eux suivent des axes X-Y, c’est assez simple parce que chaque mouvement dans l’espace constitue une combinaison linéaire entre 3 axes cartésiens X-Y-Z. S’agissant de nos grues de peinture AJP, qui sont par définition des engins à axes rotatifs, les choses se compliquent. En tout, nous comptons ici cinq axes, qui doivent être actionnés en parallèle et parfaitement coordonnés, même pour tracer une simple ligne droite dans l’espace, par exemple bouger la nacelle le long du fuselage de l’avion. Cela demande quelques sinus et cosinus dans les calculs des mouvements. », sourit le patron de CTI.

L’autre atout particulier des AJP, c’est leur capacité à éviter les chocs et collisions avec l’avion en stationnement. « Nous avons doté ce système de nos développements les plus récents en la matière. Ce sont des outils qui ont beaucoup d’utilité pour la sécurité sur les sites industriels. Une fois que l’appareil est stationné dans son hangar, sa forme est entièrement numérisée et nous calculons une enveloppe très précise, virtuelle mais exacte au centimètre près, qui constituera un cocon de sécurité parfait. »

Scan d’avion pour système anti-collision.

Avec ces indications, combinées aux paramètres de position des différentes nacelles, un système antichoc entièrement numérique est mis en oeuvre, sans qu’il y ait recours au moindre senseur classique, tels ceux que l’on trouve dans les voitures pour l’assistance au stationnement. « Cette spécificité n’a rien d’anecdotique, insiste Bob Greiveldinger : des simples capteurs ne peuvent pas fonctionner dans un hangar de peinture, où règne une atmosphère explosive à cause des sprays. Le recours à ces accessoires est donc proscrit, sauf s’il s’agirait d’éléments très sophistiqués et protégés qui reviendraient très cher. Le cocon virtuel généré par le programme informatique permet d’assurer une protection parfaite : pas de risque de collision entre les plateformes et l’avion, qui peuvent causer des dégâts très coûteux. Entre les plateformes non plus, d’ailleurs, mais c’est moins préoccupant financièrement. Dans l’industrie aéronautique, les accidents lors d’activités de peinture ou de maintenance se chiffrent à des centaines de millions par an… Sur un an, avec notre technologie déployée en début 2020, notre premier client, Satys, a enregistré zéro collision ; une performance inédite. »

« Mais si on veut voir plus loin, le concept va bien au-delà de ce que je viens d’exposer. Une chose est de faire un système anticollision, et donc de déterminer une enveloppe virtuelle. La seconde est d’automatiser le parcours des engins autour de cette enveloppe, et donc de l’optimiser. Une robotisation complète des actions de peinture est envisageable, même si elle n’est pas encore à l’ordre du jour. Cela reste un système d’assistance à des peintres, mais nous avons commencé à travailler à améliorer les parcours des nacelles autour de l’avion. Les constructeurs et les compagnies utilisent d’ailleurs des techniques et des mouvements de mise en peinture qui peuvent varier. Nous devrons donc apprendre avec le client comment nous pouvons l’assister au mieux dans ses procédés de mise en peinture. La mise en peinture d’un avion reste une opération délicate : si la couche est trop épaisse, des pénalités sont dues, car cela influence le poids et donc la consommation en kérosène ! »

L’idée de développer les AJP est née d’une certaine frustration de CTI de ne pouvoir déployer ses systèmes de téléplateformes suspendus dans des hangars ayant des toits non conçus pour supporter des fortes charges. En face, le besoin d’un mécanisme fiable, efficace et rapide ne peut pas laisser les opérateurs indifférents. « Une partie du marché nous a toujours échappé à cause de ces hangars. Les solutions au sol nous sont apparues comme une alternative intéressante, et même moins coûteuses à un certain degré, à la solution des plateformes télescopiques. Mais nous n’avons pas rencontré énormément de succès au début, parce que personne ne voulait être le premier à l’utiliser. C’est classique, c’est le destin de l’ingénieur », rigole Bob Greiveldinger.

Il avoue que le challenge consiste maintenant à expliquer à quel point les AJP peuvent faire la différence par rapport à des engins à nacelle classiques, bien connus et moins coûteux. « C’est un produit qui nécessite d’être expliqué. A première vue il ressemble aux solutions existantes… alors qu’il est fondamentalement différent, beaucoup plus sophistiqué. Nous devons bien exposer ses caractéristiques spéciales et documenter nos retours d’expérience pour séduire un marché toujours un peu sceptique par définition. »

Maintenant que CTI a mis le pied dans la porte d’un avionneur de renommée avec ce nouveau produit, la logique voudrait que les compagnies aériennes s’intéressent à leur tour au système ainsi adoubé, avec un effet multiplicateur pour CTI. « Ce serait l’histoire qui se répète, dans la lignée de ce que nous avons fait avec les téléplateformes, escompte Bob Greiveldinger. Nous avions à un moment donné résussi à les vendre chez Airbus, et après nous en avons vendu des centaines à une clientèle rassurée par cette confiance de l’avionneur européen. Nous espérons répéter cette stratégie payante. »  


A propos de CTI Systems S.à r.l.

Avec son expertise particulière dans la manutention et le stockage automatisés de matériaux volumineux et de charges lourdes, CTI Systems S.à r.l. développe des installations intralogistiques de performance dans de multiples secteurs industriels à haute valeur ajoutée, tels que l’aviation, l’aluminium, le papier ou encore les véhicules commerciaux. Entre autres, l’entreprise est connue pour ses équipements spécialisés dans la fabrication, la maintenance ou la mise en peinture d’avions, ainsi que pour sa compétence dans la conception et la fourniture d’installations automatisées pour le traitement de surface de remorques de camions ou d’appareils agricoles.

La poutre TARKA, qui permet la manutention de charges très lourdes, a été au coeur du développement de CTI, et a défini son coeur d’activités

La société, basée à Lentzweiler, au Luxembourg, comptant 195 employés, développe et fournit des solutions sur mesure de haute qualité pour accroître l’efficacité et la productivité. Cela inclut également la programmation de logiciels.

Sous le nom de Cleveland Tramrail International (C.T.I.), la société a été fondée au Luxembourg en 1962 pour fournir des systèmes de ponts et de monorails suspendus brevetés à des entreprises américaines implémentées au Luxembourg et dans les pays européens. En 1993, C.T.I. a été rachetée par la banque d’investissement luxembourgeoise SNCI, a continué à élargir ses domaines d’activité et a opéré à partir de 1997 sous le nom de CTI Systems S.A.

Depuis 2005, le siège de l’entreprise est situé dans la zone industrielle d’Eselborn-Lentzweiler. En 2009, CTI Systems a été rachetée par le groupe Paul Wurth, également basé au Luxembourg. Depuis 2021, Paul Wurth est à son tour intégré dans le groupe SMS, dont le siège se situe à Düsseldorf.