Le siècle des Lumières, période de transition entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, a été marqué par un essor important des sciences, fondé sur l’expérimentation et la raison. Cette période a vu l’émergence de nouveaux instruments, des découvertes scientifiques majeures et la diffusion du savoir à un public plus large. En cette période de tous les possibles, les femmes n’avaient pourtant pas une voie royale devant elles pour étudier les sciences et s’intéresser aux techniques. Elles étaient encore généralement exclues des sociétés savantes, des universités et des professions érudites. Les femmes éduquées étaient autodidactes, ou elles avaient eu des tuteurs ou l’éducation d’un père à l’esprit libéral.
On compte pourtant quelques grands noms de femmes ayant su émerger à cette époque, comme l’Anglaise Margareth Cavendish, l’Italienne Laura Bassi ou la Néerlandaise Petronella Johanna de Timmerman. Toutes ont généralement comme caractéristique de cultiver la littérature et d’être poreuses à tous les ouvrages et influences scientifiques internationales, dont elles se nourrissent et qu’elles aident à propager.

En France, dans la première moitié du XVIIIe siècle, Emilie du Châtelet réussit à affirmer sa place d’intellectuelle parmi ses contemporains. De son nom complet Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise du Châtelet, née le 17 décembre 1706 à Paris, elle est née dans une famille aristocratique. Son père, Louis-Nicolas Le Tonnelier de Breteuil, était un haut fonctionnaire à la cour de Louis XIV. Contrairement à la plupart des filles de son époque, Émilie reçut une éducation soignée, apprenant le latin, les mathématiques, la physique, et plusieurs langues étrangères. Elle montre rapidement une grande intelligence et une curiosité insatiable. La marquise du Châtelet devient ainsi une femme de sciences.
Mariée au marquis Florent-Claude du Châtelet à l’âge de 19 ans, elle eut plusieurs enfants mais mena parallèlement une carrière intellectuelle indépendante, ce qui était exceptionnel pour une femme à son époque.
Traductrice de Newton
Elle est renommée pour sa traduction en français des Principia Mathematica de Newton, qui fait encore autorité aujourd’hui. Elle a aussi contribué à diffuser en France l’œuvre physique de Leibniz, notamment en prouvant expérimentalement sa théorie selon laquelle l’énergie cinétique (appelée à l’époque « force vive ») est proportionnelle à la masse et au carré de la vitesse. Elle a eu une longue liaison avec Voltaire, qui l’a encouragée à poursuivre ses recherches scientifiques. Ensemble, ils vécurent plusieurs années au château de Cirey, où ils étudièrent, expérimentèrent et écrivirent. Ils y avaient installé un véritable laboratoire. Voltaire reconnut publiquement son génie et l’admira toute sa vie.
C’est Samuel König, disciple de Jean Bernoulli, qui lui fait découvrir la physique de Leibniz. Parmi les œuvres qu’elle a laissées à la postérité, les Institutions de physique où elle cherche à concilier les idées de Newton, Descartes et Leibniz, et sa traduction en français des Principia mathematica de Newton. Elle laisse aussi un mémoire sur la propagation du feu, rédigé à l’insu de Voltaire, qui concourait en même temps qu’elle pour un prix à l’Académie des Sciences. Outre Voltaire, elle a échangé avec les plus grands esprits de son temps: Elle échange avec les plus grands esprits de son temps : Euler, Clairaut, Maupertuis, D’Alembert…
Attachée à l’égalité des genres
Philosophiquement, elle s’interroge sur la raison, la liberté, la nature de Dieu et la connaissance. La cause des femmes fait partie de ses préoccupations. Elle soutient que les femmes doivent avoir accès à l’éducation et affirme leur capacité à penser scientifiquement, dans une société qui les exclut presque totalement du savoir. Elle écrit : « Si j’étais roi, je rendrais l’éducation égale pour les deux sexes. »
Elle meurt à l’âge de 42 ans, des suites de complications liées à une grossesse. Sa mort prématurée met fin à une carrière scientifique brillante et prometteuse.
Son héritage
Émilie du Châtelet est aujourd’hui reconnue comme l’une des premières grandes femmes scientifiques de l’histoire moderne, une pionnière de la place des femmes en sciences. Son travail de passeuse de savoirs a contribué à la diffusion du newtonianisme en France et à l’avancement de la pensée scientifique au XVIIIe siècle. Elle était en outre une philosophe originale, encore étudiée aujourd’hui.