Kieffer a 100 ans. Derrière les câbles et tuyaux, un maximum d’ingénierie

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On n’a pas tous les jours 100 ans. Alors, au mois de mars 2024, la sàrl a+p kieffer omnitec a fait la fête avec ses clients, ses partenaires, ses collaborateurs… et deux ministres pour parler avec eux de l’avenir. Lex Delles (Économie, PME, Énergie…) et Yuriko Backes (Mobilité, Infrastructures, Égalité des chances…) étaient présents. Active sur le marché national depuis un siècle, la société est confrontée aux mêmes contraintes structurelles que les autres acteurs, notamment le logement et la mobilité de ses salariés.

« Le niveau général des prix n’est pas sans incidence sur nos activités, insiste David Kieffer, ingénieur-gérant, qui est le visage de la quatrième génération aux manettes de l’entreprise. Les salariés viennent de plus en plus loin ; ce n’est pas anecdotique si on pense à la concentration, la fatigue… et la faculté de pouvoir assurer des permanences de plus loin. »  Kieffer emploie des monteurs, des techniciens, des électriciens… mais aussi beaucoup d’ingénieurs : une bonne centaine sur 450 salariés. « C’est beaucoup pour une société qui fait surtout des installations. Nous ne sommes pas fondamentalement un bureau d’études. Les entreprises comparables de notre taille n’ont pas un tel ratio d’ingénieurs. Tous les plans, le suivi, les commandes, les projets d’amélioration, les réclamations, le suivi de la consommation énergétique… Tout cela est fait en interne. »

David Kieffer (à dr.) et Stéphane Clesse

Équipement des bâtiments, maintenance et suivi

Il y a 100 ans, Emile Kieffer installait des chauffages au charbon et des installations sanitaires à Luxembourg, dans le quartier du Limpertsberg. Son épouse tenait les livres de caisse. La Seconde Guerre mondiale a tout interrompu. Emile a été déporté et a dû recommencer tout à zéro à son retour de captivité. Ses fils Ady et Pierre ont ensuite repris l’affaire, avant que Pierre-Emile et Mil Kieffer prennent le relais.

Aujourd’hui, la société équipe les bâtiments en chauffage, climatisation, électricité, sanitaires, protection incendie, ventilation, régulation et automation… Elle s’est spécialisée dans de grands projets de construction, de transformation et de rénovation au Luxembourg : bâtiments industriels, administratifs, hôpitaux, piscines, aéroports et autres infrastructures d’envergure. Ses références sont impressionnantes : elle a réellement surfé sur le développement économique et immobilier de ces dernières décennies. La société table sur sa maîtrise des techniques et sa capacité d’intégration de tous les équipements pour se créer des avantages compétitifs, proposant ensuite la maintenance et la gestion intégrée des systèmes.

Photo: Ann Sophie Lindström 

Tous les cycles de vie

« Tout commence par les besoins du client, explique David Kieffer. On réalise les installations en fonction de ceux-ci. Ensuite, il y a la maintenance et le suivi énergétique (GTE). Nous offrons des packages où tout est inclus. Il arrive un moment où le bâtiment a un certain âge… et là, c’est notre pôle rénovation – transformation qui peut entrer dans le jeu et proposer des améliorations. Donc, nous sommes vraiment présents dans tous les cycles de vie, de la conception à la construction puis à la maintenance. Parfois on s’occupe de bâtiments qu’on connaît bien pendant des décennies, jusqu’à ce que le client demande des transformations. Et cela, ça demande aussi du travail d’ingénieur. »  

Le « suivi énergétique » des bâtiments n’est pas vraiment une tendance récente. La crise pétrolière de 1973 a sonné l’alarme. Avant, vu le bas coût de l’énergie, on n’y prêtait guère attention. « Depuis lors, on est allé de plus en plus loin pour économiser, pour assurer le suivi en consommation énergétique des bâtiments, en fonction des demandes des clients. Pour beaucoup de bâtiments, nous assurons cette mission et détectons les anomalies», explique David Kieffer.

a+p kieffer omnitec installe tous types de chauffage, du fioul à l’électrique. Alors que la cogénération est passée de mode, c’est le photovoltaïque qui a la cote actuellement, notamment grâce aux subventions. Kieffer travaille autant pour le public que pour le privé. Le ratio entre les deux dépend des années, et du volume des marchés.

Souffler le chaud et le froid

« Ce qui caractérise notre évolution, c’est l’ajout progressif de nouvelles techniques à notre palette. Au début, ce n’était que du chauffage, et puis on a maîtrisé la ventilation, le froid, la cogénération… Le pays s’est terriblement développé ; il y avait de l’argent pour concevoir des immeubles de plus en plus sophistiqués, beaucoup plus techniques. Notre entreprise a surfé sur cette évolution. Le secteur bancaire, particulièrement, est venu avec des attentes plus grandes dans la conception, en matière de sécurité notamment. Les normes de sécurité et de confort sont elles aussi devenues plus exigeantes. Nous avons répondu aux demandes, et avons évolué vers l’électrique, qui occupe un pôle bien identifié dans nos activités. »

Chef du pôle électricité et intégration, Stéphane Clesse relève que l’évolution permanente des réglementations a incité la firme à organiser une veille technologique. « Il s’agit de nous adapter aux modifications et d’accompagner les clients dans leur sens. Les technologies, aussi, ont évolué. Avant, les radiateurs étaient équipés d’une simple vanne de robinet, puis c’est devenu une vanne thermostatique, puis une vanne électrique pilotée par une régulation… Les systèmes sont de plus en plus connectés, il y a la téléalarme, la téléintervention… » David Kieffer complète:  « On a toujours été passionnés par la technique. Anticiper les évolutions de demain fait partie des motivations de Kieffer. Et c’est pour cela qu’on a autant d’ingénieurs. »

Stéphane Clesse insiste: « Nos clients ne s’adressent pas à nous pour une simple commande, ils viennent surtout chercher des propositions : que proposez-vous ? que pouvons-nous améliorer ? Que nous conseillez-vous ? Qu’est-ce qui va évoluer ? Nous avons des clients qui ont plus ou moins de budget, plus ou moins de vision à long terme. Nous fournissons du « taylor made » conditionné par ces contraintes. Parmi celles-ci, il y a les bâtiments eux-mêmes : certains se prêtent à de grandes modifications, d’autres moins. »

Photo: Ann Sophie Lindström 

Écoute et relationnel

En général, au Luxembourg, tous les bâtiments sont faits sur mesure. Il n’y a pas vraiment de copier-coller. « Nous nous efforçons pourtant avant tout de ne pas proposer des solutions inutilement complexes, insiste David Kieffer. Pas question de monter des usines à gaz dont le suivi peut devenir difficile. La simplicité fait partie de notre philosophie, qui nous incite à rencontrer le besoin réel. Il y a un équilibre à trouver entre budget, confort, paramétrage détaillé. L’écoute et le relationnel sont capitaux dans cette démarche. Un des atouts que le client cherche chez nous, c’est d’avoir en une main la coordination entre toutes les technologies. La simple organisation du travail échelonné des corps de métiers lors d’une construction constitue un réel défi. Le client sait à qui parler, et il dispose d’un interlocuteur apte à répondre à toutes les questions liées à l’équipement technique. »

Un client emblématique ? La piscine PIDAL à Walferdange, avec laquelle Kieffer se dirige vers le demi-siècle de collaboration. Les installations ont évolué, ont été modernisées, et APKO est toujours resté présent. Husky, Rehazenter, la BGL… constituent aussi quelques références, parmi les dizaines que Kieffer a équipées. Pour Stéphane Clesse, le campus de Mersch représente une des réalisations les plus remarquables : « C’est le premier PPP (Partenariat Public Privé) où on a été impliqués dans la conception du bâtiment au sens large : fenêtres, murs, équipement… On a conçu, on a construit et on exploite. On a installé des systèmes originaux de chauffage qui tiennent compte de la présence de nombreuses personnes dans les locaux, mais aussi de la nécessité d’arriver rapidement à une bonne température ambiante. Cela demande une réflexion globale et une planification. »

« Ce qui est vraiment bien dans notre métier, c’est qu’on produit un résultat visible et concret, sourit David Kieffer. On n’est pas un simple maillon, une sous-étape d’une sous-étape. Quand on passe devant un immeuble dont on a réalisé l’équipement, on sait ce qu’il nous doit. »

Le photovoltaïque à fond, les batteries moins

Suivre les tendances du métier, c’est une obligation pour la société.  Les pompes à chaleur ont la cote, bien sûr, mais on ne peut pas en mettre partout. Elles peuvent servir de complément à des installations, récupérer de la chaleur dans des installations comme les serveurs informatiques. Le photovoltaïque et l’autoconsommation qu’il implique sont incontournables aujourd’hui. Cela demande un savoir-faire et une adaptation du bâtiment pour utiliser au maximum les ressources, et éviter les pics de consommation pour ne pas solliciter le réseau à outrance.

 « Le système des prix établi par l’ILR (Institut Luxembourgeois de Régulation) sera assez incitatif dans ce sens à partir de janvier, note David Kieffer. Les batteries ne nous paraissent pas encore intéressantes, alors qu’il existe d’autres systèmes de stockage d’énergie. Nous avons équipé des bâtiments avec des bacs à glace, qui fournissent du froid en été pour le climatiser, sans devoir faire tourner des compresseurs. En hiver une pompe à chaleur réinjecte cette énergie saisonnière dans le bâtiment. C’est un système de pointe basé sur la chaleur latente, encore assez rare, qui ne convient pas à tous les projets.  D’autres types de stockage saisonnier existent, des systèmes permettant de stocker l’énergie dans le sol et de la récupérer ensuite. »

Photo: Ann Sophie Lindström 

Quand le béton fait sens

Avoir de la masse dans un bâtiment, c’est aussi un bon moyen de stockage d’énergie. Au siège d’a+p kieffer omnitec, un généreux volume de béton a été utilisé dans ce sens, et de grandes fenêtres ont pour fonction de capter les rayons solaires. « Oui, le béton peut sembler moins vertueux en empreinte carbone… mais si on calcule l’impact du système sur des décennies, dans un bâtiment bien isolé, avec du triple vitrage, comme chez nous, c’est plutôt une bonne pratique », expliquent les responsables : « Dans notre immeuble, terminé en 2004, vous ne voyez pas de radiateurs. Il y a des serpentins dans le béton, qui fait corps de chauffage. On a besoin d’une très basse température de départ, ça fonctionne bien avec une pompe à chaleur. L’inertie du matériau est assez importante, la montée en température se fait très lentement. Il a donc fallu lutter contre tous les risques de perte de chaleur, comme les bureaux vitrés en coin. Pas de ça chez nous ! Cela illustre aussi la nécessité de bien coordonner l’intervention de tous les corps de métier, et que l’ensemble donne sens. Notre siège était un des immeubles basse-énergie de référence quand il a été construit. Sa consommation aujourd’hui reste très proche de ce qu’on met sur le marché en 2024. »

« Dans notre métier d’ingénieur, nous pouvons exprimer une pleine créativité, tout en respectant les contraintes techniques, légales, budgétaires et en les adaptant aux désirs du client, insiste David Kieffer. Notre comité de direction est entièrement composé d’ingénieurs, à une exception près. Nous sommes tous des passionnés de nos métiers, rompus à la technique. Chez Kieffer, il n’y a pas de commerciaux sans un solide bagage technique. »

Un point central pour la conduite du bâtiment

Officiellement chargé désormais de diriger l’« intégration des systèmes », Stéphane Clesse a vu s’accomplir la mue de sa fonction en liaison directe avec l’évolution du métier : « On se rend compte que l’électricité et la régulation sont présentes dans tout le bâtiment, et beaucoup de nos clients demandent qu’il y ait un report d’information de tous les systèmes sur un point central. On fait des supervisions pour nos installations, mais elles intègrent de plus en plus les données d’autres lots : compteurs d’électricité, détection incendie, détection de fuites, pilotage de bornes de charge… On a donc dû intégrer dans notre branding et notre structure cette notion d’intégrateur. C’est vraiment une tendance de fond demandée par le marché. Que chaque société installe en fonction de son métier, ce n’est pas illogique ou bloquant, mais il faut que le monitoring de tous ces systèmes puisse revenir vers un point central, pour aider à la conduite du bâtiment de manière efficace. »

Une entreprise familiale peut réfléchir à long terme

Gestionnaire de quatrième génération, David Kieffer constate que la troisième n’a pas dilapidé, contrairement au dicton. Il voit même dans le caractère familial de la société un sacré atout pour évoluer sur le long terme : « Le monde est en changement perpétuel, il faut s’adapter, réfléchir à la direction qu’on veut emprunter, déterminer les priorités… Cela permet aux entreprises familiales de s’inscrire dans la continuité. Quand un nouveau arrive, il y a forcément des idées de changement. Des bonnes… et des moins bonnes, et il faut qu’on en discute. L’atout d’une entreprise familiale, c’est qu’elle peut compter sur un temps long, alors qu’ailleurs, les actionnaires exigent parfois un retour immédiat et des adaptations rapides. »

Citant Mil Kieffer, Stéphane Clesse complète: « On est prévisibles. C’est un atout vis-à-vis de nos clients qui nous connaissent, c’est bien pour nos fournisseurs qui savent que leurs factures seront payées, c’est surtout bien pour les salariés : il y a une culture et une tradition, qui ne vont pas changer simplement parce qu’arrive un nouveau manager qui va vouloir tout révolutionner de fond en comble. »

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